mardi 27 août 2013

L'art du repassage et la facture énergétique.

Par Ambroise Sulies (PhD) du département Énergie Renouvelable et  Roupillons Énergétiques.

INTRODUCTION

J'ai récemment croisé dans les couloirs de l'université une estimée collègue de l'équipe "Esthétique et Philosophie de l'Art" du "Laboratoire de Sociologie Moderne et Antique". Nous donnons tous deux des cours dans la formation pluri-disciplinaire "Esthétique de l’Énergie"(1). Alors que je m’apprêtais à échanger les banalités habituelles(2), elle me déclara "Cher Ambroise, vous pourriez tout de même prendre le temps de repasser votre chemise trouée avant de venir enseigner". Surpris, car les réflexions d'ordre vestimentaires sont rares dans ma propre équipe, je me posai des questions fondamentales concernant l'art du repassage et sa pratique.

L'ART DU REPASSAGE

Je peux concevoir que le linge repassé puisse faire ressentir une émotion à un certain public. Un pli bien réalisé, une chemise éradiquée de tout froissement peuvent être admirés. Un beau coup de fer peut être comparé à un coup de pinceau. Le doigté de l'artiste se retrouve dans les traces de peinture, ou dans la vapeur d'eau expulsée du fer à bon escient. C'est donc bien d'art qu'il s'agit. D'ailleurs, la frontière entre art et repassage a dors et déjà été transgressée, par exemple par Benjamin Shine (voir son travail sur son site). Mais tout le monde n'est pas Picasso (dont vous trouverez un exemple de l'oeuvre ici) ou Degas (un exemple ici). Ne devrait-on pas laisser l'expression du repassage aux artistes, et ne pas nous livrer au repassage en dilettantes ?

COUT ENERGETIQUE

Car en effet, le repassage a un cout. Basons-nous sur un exemple concret. Soit une personne utilisant un fer à repasser d'une puissance de 22OO Watt, et supposons qu'elle aie besoin d'une heure de repassage par jour (de quoi faire en étant appliqué, en artiste dirons-nous, les vêtements de chaque journée plus draps, nappes, serviettes, etc). Le fer ne chauffant que 30% du temps, elle consommera quotidiennement 0.3*2200 Watt-heure(3). En une année 365.25*0.3*2200 Watt-heure, soit 241.06 kWh.

Ce chiffre est à peine inférieur à la consommation électrique annuelle d'un angolais(4). On peut donc penser que les angolais utilisent l'électricité seulement pour repasser leurs affaires. Par ailleurs, 241 kWh, c'est bien peu mais c'est beaucoup quand on considère la consommation annuelle en Ethiopie : 44 kWh. La consommation d'électricité en France par habitant étant de 6847 kWh, le repassage en représente tout de même 3.5 %. Puisque cette consommation moyenne inclue aussi celle des industries, la consommation réelle d'un habitant est bien plus faible que 6847 kWh. En fait, on peut estimer la consommation d'une personne seule vivant dans un appartement de 60m2 à  1100 kWh (http://www.energie-environnement.ch/economiser-l-electricite/situer-sa-consommation-d-electricite). Le repassage indiqué ci dessus correspond alors à environ 22% de sa consommation d'électricité.  Le repassage de l'islandais a relativement moins d'impact puisque sa consommation annuelle est de 51440 kWh. Je me permets d'émettre l'hypothèse que ce chiffre colossal correspond à une température trop faible pour l'existence humaine en Islande.
 

CONCLUSION

A l'heure où le réchauffement climatique nous concerne tous, et où le moindre pourcentage d'économie d'énergie est poursuivi avec assiduité, il me semble urgent que nous cessions purement et simplement de repasser notre linge. Cela correspondrait à une baisse de la consommation d'électricité en France s'échelonnant de 3.5 à 22% d'après les calculs détaillés précédemment. L'islandais moyen pourra quant à lui réduire son impact sur la planète en déménageant vers des latitudes plus propices à l'hébergement de l'être humain.



Notes de pied de page:
(1) Formation récemment créée dans le seul but de profiter des aides budgétaires accordées aux formation pluri-disciplinaires.
(2)Exemple de banalités échangées lorsque deux universitaires se croisent : as-tu pensé à apporter ta craie ? Ils sont comment tes étudiants ce matin ? Le niveau a encore baissé. On est combien au classement de Shanghai ? Tu connais mon H-index ?
(3) Les caractéristiques du fer à repasser utilisé dans cet exercice sont basées sur un document très sérieux: http://phys-chimie.voila.net/troisieme/energie/energie.ht
(4) La consomation annuelle par pays dans ce paragraphe correspond à l'année 2010 ou 2011, telle que donnée dans cette référence: http://www.statistiques-mondiales.com/consommation_electricite.htm

5 commentaires:

Dominique a dit…

Grand bravo pour ces calculs et réflexions avisées !
Je vous ai cité sur le dernier article de mon blog : www.jefaismatransition.com, 1 article par jour pour réduire son empreinte énergétique. Merci de partager si vous aimez.

Denis a dit…

Et c'est le blog de Dominique qui m'a incité à aller sur votre site. J'ai bien aimé ce plaidoyer en faveur de vêtements un peu relâchés, propres, mais pas impeccables. C'est exactement ce que je recherche. Mais je dois l'avouer : ce n'est pas moi qui repasse dans le ménage, et la repasseuse optimise son repassage moins par souci énergétique que par souci de réduire la fatigue ...
Denis

Sulies a dit…

Merci de vos commentaires. L'article est bien sûr un peu humoristique mais les chiffres sont exact. Et oui, je suis d'accord pour optimiser un peu le repassage (ou son absence!)

Sylviane a dit…

Allez paf, je suis là aussi parce que Dominique nous a recommandé cette saine lecture ! Chez nous, c'est mon mari qui repasse et je chipe discrètement tout ce qu'il entasse dans ce but et n'a absolument pas besoin de cette finition ...

Sulies a dit…

Merci Sylviane pour ce travail de sape au repassage au sein de votre logis. Et merci à Dominique pour son blog qui continue à être ma source principale de lecteurs !