jeudi 16 juin 2011

De l'exercice physique, la bonne santé et la place dans la société

par le Dr Sulies, du Laboratoire de Sociologie Musclée.

Résumé

Le "sens commun" peut induire en erreur les plus grands esprits. Des a priori inconscients et un solide lot de préjugés inculqués par les assertions ressassées de nos semblables amènent souvent à confondre causes et conséquences. Ainsi, la société a admis le principe selon lequel la pratique régulière du sport serait favorable (voire nécessaire d'après les plus extrémistes) à la bonne santé et au physique équilibré. Dans cet article, je soutiens la fausseté de cette idée, expose un modèle sociologique expliquant la raison de son succès, et propose un protocole expérimental pour vérifier certaines de mes hypothèses.


Considérations historiques et introduction

Le temps déforme l'histoire en mythes et légendes. Ainsi, les ouailles de la religion du sport font leur messe en latin en s'exclamant à la figure de ceux qui répugnent à l'exercice physique la formule "Mens sana in corpore sano" (un esprit sain dans un corps sain). La citation du poète Juvénal a cependant été sortie de son contexte. Dans sa satyre numéro X, Juvénal se livre en fait à une diatribe à l'encontre des vices des romains de son époque: leurs ambitions guerrières, financières, celle d'avoir une longue vie, leur tendance à se sur-estimer et à trop admirer leurs propres muscles (voyez l'ironie). A aucun moment, l'auteur de cette devise devenue célèbre ne suggère la pratique du sport. Il propose plutôt à ses contemporains de demander aux Dieux un esprit sain, ainsi qu'une "âme énergique affranchie des terreurs de la mort et qui compte le terme de la vie au nombre des bienfaits naturels; une âme qui ait la force de supporter toute peine, qui ignore la colère, qui n'ait point de passions". On voit que la citation en contexte n'a plus rien à voir avec l'activité physique. Au contraire, son texte incite ses contemporains à améliorer leur âme plutôt que leurs muscles. Pourtant nous ne l'utilisons jamais pour encourager les athlètes à lire des livres (alors qu'on me le répète souvent pour me suggérer de me mettre à la course à pied).

D'autres avant moi ont renié les sois-disant bienfait du sport, trop souvent acceptés aveuglément. Ainsi, je citerai Churchill qui interrogé sur les raisons de sa bonne santé à 80 années répondit "No sports". En parallèle, nous pourrions établir la longue liste de ceux que le sport a tué bien trop tôt, de Michel Berger à Marco Pantani. Bien d'autres exemples auraient pu être cités si cette introduction n'était pas déjà trop longue.

En 2010, une équipe britannique étudiait la pratique sportive et la corpulence de 200 enfants. Contrairement à une pensée courante, ils découvrirent que les deux n'étaient pas corrélés. Alors qu'ils confirmèrent que la nutrition semblait avoir une influence sur la corpulence, ils trouvèrent que la pratique d'une activité physique n'en avait aucune ! Cette découverte confirmai une de mes intuitions anciennes que je n'avais malheureusement pas publiée avant eux (faute de confirmation expérimentale).

Une hypothèse sociologique

L'hypothèse que j'avais formulée et qui semble être en accord avec les premières études des britanniques est la suivante: supposons que la plus grande partie des individus se distribuent en quatre catégories décrites ci dessous:
  • A: individu à la morphologie reconnue comme "idéale" par la société et pratiquant une activité physique régulière.
  • A' : individu avec la même morphologie, mais ne pratiquant pas de sport.
  • B: individu au corps présentant ce qui est communément appelé une surcharge pondérale (ou bien parfois "un gros bide") pratiquant le sport.
  • B': individu avec une surchage pondérale (un grassouillet, quoi), ne pratiquant pas le sport.

Il est bien connu que les militaires sont très sportifs d'une part, et un peu obsédés par leur apparence d'autre part (pensez au soin qu'ils apportent à leur coiffure, rasage, uniforme), ce qui en fait des exemples typique d'individus de la catégorie A. Ce sont eux qui ont possédés (ou ont soutenu) le pouvoir au cours de l'histoire de l'humanité. Il est donc normal qu'ils aient imposé leur pensée, qui peut se résumer par les assertions suivantes:
  • "A pratique le sport" DONC "A est est en bonne santé"
  • "B' ne pratique pas le sport" DONC "B' est un gros lard" [1]
Si on lui fait remarquer que A' ne fait pas de sport, A lui trouvera toujours un prétexte, par exemple "C'est vrai, mais il se dépense beaucoup dans son travail". Si on lui expose le fait que B fait lui du sport malgré son embonpoint, il répondra avec une mauvaise foi caractéristique des extrémistes qui vénèrent les lois et oublient les faits qu'il ne fait pas assez de sport, ou qu'il mange trop (sans jamais quantifier ses déclarations, ou faire une étude comparative avec A, qui serait pourtant nécessaire pour pouvoir conclure quoi que ce soit. A force de répéter ce genre d'arguments, B et B' culpabiliseront et auront tendance à abandonner le sport ou ne pas s'y adonner car les exercices sportifs, en tenue légères et moulantes ne sont-ils pas qu'une manière déguisée d'exhiber son corps ?

Le discours de A est plein de contradictions qui sont maintenant exposées, mais on ne peut pas trop lui en vouloir, c'est un militaire après tout[2]. Mais qu'en est-il réellement ?

Je propose une nouvelle interprétation de la croyance en une corrélation entre morphologie (musclé/engraissé) et activité (sportif/non sportif). On a confondu cause et conséquence. Ce n'est pas la pratique du sport qui sculpte les corps. Avoir un corps peu musclé et alourdi en graisse rend la pratique du sport désagréable (sans parler du regard culpabilisant dont nous avons parlé plus haut). Au contraire, une morphologie musclée et bien proportionnée, libre de graisses, rend cette pratique agréable, et fatigue moins. Ainsi, les individus bien fichus sont attirés par le sport (devenant A) et les autres repoussés (typiquement B'). La société engendre donc un accroissement en nombre des populations des deux types A et B', polarisant les musclés sportifs contre les gras passifs.

Je n'ai jusqu'à présent pas expliqué pourquoi A et A', et B et B' sont différents en corpulence. Hasardons nous à quelques hypothèses. Des raisons génétiques semblent possibles : le fameux gène du gros bide (à ne pas confondre avec la bière). Une autre hypothèse concerne tout simplement le régime alimentaire.


Un processus expérimental

Comment vérifier mes hypothèses sur la source innée ou alimentaire à la corpulence, et la part réduite de l'activité physique ? Bien entendu, il faut pouvoir isoler le facteur de l'apport sous forme de nutriments. Le processus expérimental que je propose devrait nous le permettre. Il consiste à placer quatre individus (ou bien quatre groupe d'individus) A, A', B, B' dans des dispositions similaire pour chacun. L'apport nutritif peut être contrôlé sous la forme de perfusions afin de s'assurer de l'équité parfaite du procédé. Chaque individu n'aura aucun moyen de s'exercer. Pour s'en assurer, il sera nécessaire d'enfermer chaque sujet dans une pièce trop petite pour pouvoir y courir ou marcher, et d'en retirer tout mobilier qui pourrait se substituer à des haltères. Si mes allégations sont exactes, alors A,A',B et B' resteront semblables à eux mêmes. Si j'ai tort et que c'est vraiment l'activité physique qui assurait à A ses proportions parfaites, alors A (mais aussi B) devraient prendre du poids. A perdrait alors son allure et sa tête de sportif, ce qui en fin de cause pourrait ne pas être si dramatique[3].

J'en appelle donc aux mécènes potentiel parmi mes lecteurs, leurs dons seraient très utiles pour repousser les frontières de la connaissance[4]. J'aurai aussi besoin de volontaires qui accepteraient de se faire enfermer dans des pièces exiguës, sans mobilier et sans nourriture solide. J'ai bien conscience du manque de confort engendré pour les sujets, mais c'est pour la science, et donc le bonheur de l'humanité[5].


Conclusion

Dans cet article, après quelques considérations historiques, j'ai proposé une hypothèse sur les effets liant la position sociale, la pratique de l'activité physique et l'embonpoint. Bien que de nombreux éléments semblent étayer ma théorie, une expérience est nécessaire pour la valider totalement. J'ai présenté le dispositif expérimental nécessaire. Si l'expérience peut-être réalisée, ses résultats seront présentés dans un article ultérieur.


NOTES:

(1) Lors d'une course pendant mon sévice militaire, mes gradés m'ordonnèrent d'arriver "avant le gros lard" de l'autre peloton, les termes utilisés sont donc de première main.
(2) L'auteur présente ses excuse concernant cette remarque gratuite sur les militaires, qui n'engage que sa responsabilité, et peut-être celle de ses supérieurs lors de son sévice national.
(3) L'auteur présente ses excuse concernant cette remarque gratuite sur les têtes de sportif, qui n'engage que sa responsabilité, et peut-être celle de ses professeurs d'E.P.S.
(4) Si le CNRS finançait les expériences des scientifiques dans le but de repousser les frontières de la connaissance, cela se saurait.
(5) Faute de volontaire, l'administration pénitentiaire pourrait peut-être mettre à disposition quelques détenus (avec l'avantage qu'ils sont déjà habitués aux espaces de vie réduit et à la nourriture inepte). Cela pourrait être une façon très positive d'utiliser les sans papiers en attente de régularisation (ou d'expulsion éventuelle) et de valoriser l'immigration non choisie au lieu de seulement la subir. Notre bien aimé gouvernement actuel devrait apprécier cet effort de ses scientifiques.